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Ceux qui pensaient qu’ils ne verraient pas la fin du secret fiscal suisse de leur vivant se sont trompés… ou ils sont morts.

Le 13 mars 2009 - date qui semble aujourd’hui éloignée - le Conseil fédéral annonçait reprendre ce qui était désigné à l’époque comme les « standards de l’OCDE », à savoir un échange d’information entre autorités fiscales de deux Etats contractants, sans possibilité d’invoquer le secret bancaire suisse. Depuis ce fameux vendredi 13, le gouvernement helvétique négocie à tout-va des conventions de double imposition avec des Etats clés en s’engageant à remettre des informations fiscales pertinentes concernant les résidents étrangers. L’échange prévu étant réciproque, il permet également aux autorités suisses de requérir des renseignements sur d’éventuels comptes non déclarés de contribuables résident en Suisse auprès de banques étrangères, mais le fisc suisse a fait à notre connaissance preuve d’une certaine retenue dans l’exercice de ce droit. Si ces informations étaient jusqu’ici échangées sur demande expresse du fisc étranger - avec information préalable du contribuable concerné et possibilité de s’opposer à la démarche par recours judiciaire - un développement récent mérite à notre avis l’attention des titulaires de comptes étrangers domiciliés en Suisse.

En effet, en 2014, la Suisse a signé - par vraiment en tout catimini mais disons sans créer la levée de bouclier que la décision précitée de 2009 avait engendré – une convention multilatérale (ci-après «la convention») prévoyant ni plus ni moins qu’un échange automatique de renseignement. Par échange automatique, il faut comprendre un flux périodique d’informations entre instituts financiers (banques, gérants de fortune, etc.), fisc national et autorités compétentes des Etats de résidence concernés, sans qu’aucune demande correspondante ne soit formulée. Si en 2014, la convention a pu être signée sans tremblement de terre, c’est aussi parce que, pour que l’échange automatique se produise, il fallait encore activer la convention par déclaration bilatérale ou accord multilatéral et définir les modalités de l’échange, étapes qui paraissaient politiquement ardues et techniquement si chronophage que l’opinion générale était enclenchée sur la touche « il n’y a pas le feu au lac ».  

Or cette séquence d’événements s’est récemment accélérée avec la signature à ce jour de plus de 10 accords bilatéraux mettant en œuvre l’échange automatique avec autant d’Etats partenaires de la Suisse et d’un accord-cadre avec l’Union européenne valable pour 28 Etats membres. Cette nouvelle donne implique que dès 2018, les attestations fiscales datées du 31 décembre 2017 établies par des banques suisses seront envoyées automatiquement aux autorités fiscales de l’Etat de résidence des détenteurs de comptes, et vice versa. C’est bien cet autre côté de la médaille dont les résidents suisses de comptes non déclarés à l’étranger seraient bien inspirés de se méfier. En effet fort est à parier que le fisc suisse ne va pas se priver d’employer des informations reçues sans effort des fiscs étrangers pour « compléter » l’état de fortune des contribuables suisses et notifier leur facture – amende pour soustraction fiscale comprise.

S’il semble que dans les situations helvético-suisses le secret bancaire plie sans se rompre et que les détenteurs de comptes non déclarés en Suisse peuvent encore dormir sur leurs deux oreilles, il n’en va dès lors pas de même dans des relations internationales. En effet, une personne domiciliée en Suisse qui détiendrait un compte non déclaré à l’étranger a bien du souci à se faire et devrait sérieusement réfléchir à l’opportunité laissée par le canton de Neuchâtel de bénéficier de l’allégement fiscal jusqu’à la fin de l’année 2016 pour annoncer spontanément ces éléments de fortune, faute de risquer une amende salée… 

 

Thierry Obrist 

Texte publié dans l'Express du 30 août 2016